Hissein Habré: de la garde à vue à la prison
Après avoir joué à cache-à-cache avec la justice pendant plus d’une vingtaine d’années, l’ancien président tchadien va bientôt faire face à sa gestion décriée d’entre 1982 et 1990. Pour une fois, on a l’impression qu’il ne s’agit d’espoirs éphémères ou épisodiques dont les proches des victimes d’Hissène Habré se sont jusqu’ici nourris.
Sur ce dossier au moins, le président sénégalais est visiblement résolu à honorer ses promesses. C’est du moins ce qui ressort de l’inculpation puis de la détention provisoire de l’ex-président tchadien, qui ont été décidées hier par les juges du tribunal spécial en charge du procès. Se fondant sur des preuves qu’il a pu récolter depuis la mise en place des Chambres africaines extraordinaires, le procureur général a estimé qu’Hissène Habré peut être poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et tortures. Par ailleurs, invoquant la sérénité que requiert l’instruction, il a souhaité que l’hôte de Dakar soit placé sous mandat de dépôt. Et les juges l’ont suivi.
Dans le camp des victimes du régime d’Hissène Habré, c’est l’extase. Après l’interpellation qui est intervenue le dimanche dernier, cette inculpation est l’autre pas décisif sur la voie de la concrétisation du rêve de voir le bourreau confronté à son horrible passé.Sur les ondes des médias, les avocats de ces victimes rivalisent de superlatifs pour décrire la joie et le bonheur que leurs clients ressentent. Dans ce concert de jubilatoire, les proches d’Hissène Habré dont ses avocats sont presques inaudibles, quand ils essaient de mettre en avant la violation de certains droits de leurs clients. Tout se passe comme si la cause est entendue avant même le jugement.
Au-delà du cas personnel d’Hissène Habré, ce procès, s’il est rendu effectif, constituera un moment décisif sur le cheminement historique de la justice africaine. Une justice dont la défaillance est souvent un prétexte à l’interventionnisme judiciaire de l’occident dans les affaires intérieures du continent.
A propos, on se rappelle d’ailleurs que les dirigeants africains avaient fait du cas Habré une forme de défis. Ils s’étaient opposés à son extradition en Belgique. Mais en retour, ils se devaient de créer les conditions pour qu’il réponde de ses actes et que justice soit rendue à ses 40.000 victimes. Le défi est en passe d’être relevé. Avec bien entendu la bénédiction de Macky Sall.
L’hirondelle ne faisant pas le printemps, il ne faut pas cependant en rester à ce premier cas. Au contraire, la justice africaine devrait partir de ce précédent, pour se saisir des nombreux cas similaires qui ternissent tant l’image du continent africain. C’est seulement après une telle démarche que des celles formulées par les dirigeants africains, lors du dernier sommet de l’UA à l’encontre de la CPI auront un sens.
Autrement, l’institution de Fatou Bensouda continuera ses assauts répétés et systématiques contre les criminels africains. Et à … juste raison.