N’Djaména Far-West tchadien
La journaliste tchadienne Réndodjo Em-A Moundona déplore sur son blog l’insécurité qui ravage la ville de N’Djaména aujourd’hui. Selon elle, la capitale connaît chaque jour son lot d’assassinats, de braquages, de vols de bétail et de biens: N’Djaména est une sorte de far west où règne la loi du plus fort, compare la blogueuse.
N´Djaména veut dire «repos et quiétude» en arabe tchadien. Il y a belle lurette, la population de la capitale a classé aux calendes grecques ces mots qui souvent riment aussi avec sécurité. Le quotidien des N’Djamenois est fait d’assassinats, de braquages, hold-up, intimidations et vols des biens. Exactement comme si les frères Dalton étaient tchadiens.
Toute petite, j’aimais bien lire les bandes dessinées. Même en classe, en plein cours de Mathématiques, j’en avais toujours un sur mes genoux sous la table. Du Tintin au Blek le roc en passant par Zembla. Mais j’aimais bien aussi la fratrie Dalton. Je les aimais pour leur méchanceté stupide, leur imbécillité qui consiste à préparer minutieusement des attaques qui leur rapportaient des butins de rien du tout. Je ne sais pas si cette fratrie a réellement existé mais, je trouvais fascinant qu’ils soient si unis pour la défense de très mauvaises causes. En fait, c’étaient de vrais imbéciles à mon avis. Grâce à ces quatre frères, j’ai fini par comprendre que la bêtise et la méchanceté mises ensemble donnent lieu à des gags très drôles. Sauf quand l’Homme doit la vivre au quotidien. Là s’arrête le drôle pour faire place à la révolte.
Puis un jour j’ai grandi et je n’ai plus eu le temps pour fouiller dans ces livres en quête de la moindre stupidité de ces fils de Ma Dalton elle-même une grande voleuse et criminelle. Mais la nature ayant horreur du vide m’a comblé en me laissant grandir dans un pays où, j’ai eu la chance de voir tous les jours des frères Dalton en réels. Oui, bienvenue dans le Far-West tchadien : ici on braque les fourgons des payeurs en pleins jours, on braque les individus qui viennent faire des retraits de Western-Union, on gifle et crache sur les diplomates sans s’inquiéter. Même devant le siège de leurs représentations. On tire à bout portant sur l’Homme, on descend dans un commissariat se rendre justice soi-même car le sang doit se laver dans le sang.
L’autre similitude avec les Dalton c’est qu’au Tchad, nous avons aussi des Ma Dalton plus redoutables que leurs progénitures et des Pa Dalton, eux-mêmes grands braqueurs, détourneurs des fonds et biens publics. Ils sont près à tous pour que leurs criminels de fils échappent à la justice si non ils les aident à sortir du pénitencier pour revenir parfois se venger. Mais la ressemblance ne s´arrête que là car, au Tchad, on n’a pas de Lucky Luke qui puisse pourchasser, arrêter, menotter et mettre sous les verrous pour toujours ces frères Daltons des temps modernes.
Un fait récent, quatre hommes armés se sont emparés de la paie des enseignants ce 30 mai 2013 en pleine capitale d’une République. Les quatre hommes armés ont suivi le payeur du ministère de l’Education M. Adam A. jusqu’à l’école du centre de N’Djamena, avant de le menacer pour s’emparer de la somme de 355 millions de francs CFA, représentant le salaire des fonctionnaires de l’éducation. Seulement, je n’arrive pas à comprendre. On suit le payeur jusqu’au lieu du payement au vu et au suit de toute une ville et on enlève aux enseignants leur paie sous leurs nez. Pourtant on a un Groupement Mobile d´Intervention de la Police (GMIP) qui est partout là où, on l’attend le moins. Une histoire digne d’un film de Far-Western sauf qu´il s’agit bel et bien de mon pays et d’une scène qui n’est pas la toute première. Il y a presqu’un an, on braquait un payeur et cela se solda par la mort de trois ou quatre hommes. Dans la même année, on arrachait à mon voisin de quartier son mandat que son fils vivant en Europe lui avait envoyé. Juste à la sortie de Western-Union.
Je ne me mettrai pas à vous citer tous les cas ici ; c’est le quotidien du Tchadien. On braque, on assassine comme on respire, facilement sans la moindre gêne. C’est dire que désormais chaque tchadien doit veiller personnellement à sa sécurité, à ses biens car l’Etat semble avoir démissionné de ses fonctions. Sacré pays qu’est le mien.
Source: http://rendodjo.mondoblog.org